Un monde fou d’écologie

En disant hier que nos problèmes d’énergie pourraient être réglés dans 10 grâce à une approche de la fusion nucléaire différente de celle d’Iter, j’entendais la petite voix implantée par les écolos dans mon cerveau qui me disait qu’il ne fallait pas que je dise ça, que je suis un abruti de scientiste qui espère un miracle, qui refusait catégoriquement d’envisager cette idée.

C’est la voix que ma mère a écouté, celle que j’avais réussi à faire taire par l’écologie qui a trouvé le moyen de revenir s’exprimer avec l’organisation sociale, la politique. Pour ne pas se retrouver en vacances, son cerveau a appliqué le principe que je voulais court-circuiter à un autre sujet. Son cerveau fait tout ce qu’il peut pour ne pas partir en vacances, sa tête ne veut pas s’arrêter de fonctionner.

Elle n’est pas sûre de redémarrer si elle s’arrête. Ou plutôt, elle est certaine de ne plus être la même au redémarrage si elle s’arrête pour intégrer le changement de programme qu’une énergie propre disponible à profusion implique. Ce n’est plus le même avenir si on introduit ce paramètre dans la machine. Le cerveau préfère l’avenir pourri qu’il a calculé plutôt que d’avoir à tout reprendre depuis le début.

C’est ça le paradoxe. On demande à notre cerveau de trouver une solution à notre problème d’énergie mais quand il en trouve une aussi bonne que la fusion à petite échelle, on la refuse. Si on l’acceptait, il n’y aurait plus aucune raison de chercher. Et on ne sait pas ce que la tête ferait si elle n’était plus occupée à chercher. Mais on sait qu’elle ferait autre chose. Et comme on ne sait pas quoi, ça nous fait peur.

Alors on cache cette solution. On dit à notre cerveau qu’elle ne correspond pas à ce qu’on lui a demandé de chercher. Je considère mon cerveau, ma tête comme un chien. Quand il me rapporte ce que je lui demande, il faut que je lui fasse savoir. Il comprend comme ça qu’il a bien fait ce que je voulais de lui. Mais s’il rapporte quelque chose qui dégage la même odeur que le tissus que je lui ai fait renifler, et une très forte avec la fusion à petite échelle, et que je lui met un coup de pompe en le traitant d’abruti, il ne va plus rien comprendre.

Et c’est comme ça qu’on devient fou. Fou comme le monde d’aujourd’hui.

Réconcilier le corps social et sa tête

Il n’y a pas assez de monde pour accueillir les touristes cet été. Le secteur cherche à recruter, mais il n’y arrive pas. Les gens ne veulent plus travailler dans ces conditions. C’est la même chose dans l’éducation où il manque de professeurs, ou encore dans la santé. Depuis le covid et le confinement, plus personne n’accepte ces boulots là, les américains ont même donné un nom au phénomène : « la grande démission ».

Le covid a arrêté la société et quand elle a redémarré, sa configuration a changé. Les gens ont eu le temps de réfléchir, ils n’avaient rien d’autre à faire que de réfléchir. De se regarder comme dans un miroir, ils ont eu le temps de voir à quoi ils ressemblent. C’est ça réfléchir, sortir de l’action pour pouvoir adopter un point de vue extérieur.

Et des millions de gens dans le monde sont arrivés à la même conclusion : on arrête. Et c’est logique. La politique qui vise au plein emploi, à faire travailler tout le monde autant que possible, arrive à son terme. Les gens travaillent presque tous, mais ils sont quand même pauvres. Ça ne sert à rien de bosser comme un âne pour rester pauvre. Plus les gens travaillent, plus il y a de pauvres, c’est absurde. Et quand c’est absurde, on arrête.

Le cerveau humain fonctionne comme ça. Il faut qu’il s’arrête pour trouver du sens. Et il s’arrête quand il n’en trouve pas. Le covid a arrêté le cerveau des gens qui ont été obligés de lui trouver autre chose à faire que de penser uniquement au travail du matin au soir, à trouver un autre sens à leur vie, et ils se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas le suivre quand ils ont dû retourner au boulot.

Ce qui leur paraissait normal avant l’arrêt du cerveau leur est apparu absurde.

Parce qu’il a trouvé un autre sens et qu’il veut suivre celui là. Abandonner le chemin sur lequel il était auparavant, dont il s’est aperçu qu’il ne menait nulle part quand il a pu arrêter de regarder où il mettait les pieds et lever le nez pour faire le point sur sa position. C’est tout bête, du fonctionnement de base.

Mais le cerveau de nos dirigeants ne s’est pas arrêté, lui, pendant le confinement. Ils étaient au taquet, ils se sont sentis surpuissants, inarrêtables. Le nez dans le guidon, le regard collé à la route, sans aucune idée d’où il allaient. Ils n’ont pas fait le point sur leur position comme tout le monde.

Le blocage des institutions auquel nous assistons un peu partout sert à ça. À obliger nos dirigeants à arrêter leurs cerveaux et à faire le point, comme les gens qu’ils dirigent ont été obligés de le faire. C’est pour qu’ils comprennent où les gens veulent aller, qu’ils lèvent à leur tour la tête et voient le chemin sur lequel ceux qui ne veulent plus travailler pour rester pauvres ou risquer de le devenir du jour au lendemain se sont engagés quand la société a redémarré.

Après, on devrait être enfin être synchronisés. Le corps social et sa tête devraient être réconciliés.

Le blocage des institutions n’a rien d’inquiétant, au contraire

En France, en Angleterre, en Allemagne, partout le blocage s’installe. Les institutions se retrouvent paralysées. Et tout le monde a l’air de s’en inquiéter. C’est un de ces fameux sauts dans l’inconnu où personne ne sait ce qui va se passer. Quand je dis que tout le monde s’inquiète, ce sont nos dirigeants qui s’inquiètent, nos cerveaux, la tête. Nous, les gens, le corps, ça ne nous inquiète pas, c’est qu’on voulait.

La paralysie des institutions, du cerveau, n’est pas un accident. Les gens les ont provoquées volontairement. Ils ont été obligés de le faire parce que la tête refusait de s’arrêter toute seule. On dit chez nous depuis des décennies qu’il faudrait changer la loi pour que toutes les forces politiques soient représentées au parlement. Et c’est ce à quoi nous sommes arrivés, sans changer la loi. On s’est démerdé collectivement pour arriver à ce résultat, sans aucune concertation, avec un système qui était censé l’empêcher.

Voilà comment fonctionne le cerveau social. Comme le nôtre. Il est composé de deux parties différentes, de deux espaces mathématiques qui ont chacun leur mode de fonctionnement propre. Tout ce que je fais consiste à essayer de comprendre comment ça fonctionne à partir de là.

Et l’un des premiers problèmes que j’ai rencontré n’est autre que de réussir à faire cesser de fonctionner le cerveau, la tête. C’est difficile à faire volontairement, j’en ai beaucoup parlé, mais quand on ne le fait pas il se bloque tout seul, pour la simple et bonne raison qu’il doit s’arrêter pour passer d’une tâche à une autre, il ne peut pas en accomplir plusieurs à la fois dans son espace mathématique, seule le corps, la partie du cerveau qui s’en occupe, le cervelet, est conçue pour.

Le blocage des institutions, ce n’est rien d’autre que ça. L’arrêt du cerveau pour qu’il puisse passer à une autre tâche. Et il n’y a absolument rien à en craindre. Quand le cerveau s’arrête, c’est le corps qui prend le relais. La partie du cerveau qui s’occupe du corps, le bordel qui ne pète pas un plomb alors qu’il fait 1 million de choses en même temps. 11 millions de tâches simultanées d’après ce qu’on sait.

Et c’est elle qui était aux commandes lorsque le covid est arrivé. C’est le corps qui a réagi, pas la tête. Elle allait au théâtre, la tête, à ce moment là. J’ai 11 millions de fois plus confiance dans le corps que dans la tête. Son arrêt ne me fait pas peur, je le souhaite.