Si une société a une psychologie comparable à celle d’un individu, elle a donc aussi un corps dont chacun de nous serait une cellule. Pas un type de cellule particulier, une cellule omnipotente capable de remplir toutes les fonctions corporelles, mais pour simplifier, on peut considérer qu’étant donnée la tension du corps social, notre problème est musculaire.
L’objectif est donc de détendre ce corps social pour lui rendre sa souplesse de mouvement. Et pour le détendre, il faut d’abord comprendre pourquoi il se tend. L’explication de cette tension qu’on nous sert actuellement voudrait qu’elle soit due à la maladie mentale, que c’est psychiatrique. La moitié de la population en souffrirait d’après certaines enquêtes dont on ignore tout.
Mon cul que c’est psychiatrique. J’ai fait l’armée, le service militaire. Pendant les classes, le dressage d’un mois à l’arrivée, on nous faisait croire la même chose. Arrête de psychoter. L’aspirant tortionnaire n’avait que ça à la bouche : arrête de psychoter. Il fait tout pour vous rendre dingue et il vous dit arrête de psychoter. Sir, yes, sir, comme on dit dans Full metal jacket. Chez les commandos d’élite, on répond en hurlant « kill ! » à pleins poumons, tout simplement. Voyez le documentaire d’Arte « il était une fois en Irak » si vous en doutez.
Et comment vous rend on dingue en trois coups de cuiller à pot ? En vous maintenant en permanence sous tension. Tout doit être fait en temps limité, vite, il faut tout faire vite. Sans aucune raison et pour aller faire des choses absurdes qui n’ont aucun caractère urgent. Marcher au pas, nettoyer des flingues, mais surtout attendre. Attendre. Tout le temps attendre. Attendre qu’on vous donne un ordre à exécuter le plus vite possible pour de nouveau attendre.
C’est l’alternance d’ennui absolu et d’urgence tout aussi absolue qui rend fou. C’est incompatible. On ne passe pas de l’un à l’autre en permanence sans psychoter comme l’encadrement voudrait le faire croire. C’est une réaction normale, pas une maladie mentale.
Face au danger, deux réactions sont possibles. L’immobilité, l’inaction, ou la fuite, l’action. C’est l’un ou l’autre. L’ennui est destiné à vous mettre dans l’état de l’inaction, pour subitement vous faire passer sur le mode action immédiate. Le passage de l’un à l’autre est très violent, il fait sursauter, on sent littéralement qu’on se charge en énergie à une vitesse fulgurante. Pour rien. Pour attendre. Vous accumulez une énergie phénoménale en un instant, et vous n’avez rien pour la disperser, sauf peut être la colère contre vos garde chiourme qui se mettent bien à l’abri des saloperies qu’ils font à leurs semblables derrière l’autorité à laquelle ils sont eux aussi soumis, c’étaient des appelés comme nous.
Vous vous retrouvez donc chargé en énergie, et aaaard aou, on ne vous parle même plus, pas bouger, sisit médor. Résultat, on est jamais détendu. En permanence contracté, physiquement tout autant que mentalement. C’est ce que fait le corps pour réagir au danger, il se prépare à fuir, libère de l’énergie qui mettent les muscles en pré-tension au cas où il faudrait agir vite. Quand cette énergie n’est pas libérée par l’action, elle s’accumule dans le système nerveux, elle fait psychoter.
C’est du yoga à l’envers. Au lieu d’être conçue pour détendre le corps, cette méthode le contracte, mais ça n’a rien d’une réaction pathologique, elle est purement mécanique, ce résultat est garanti. Faire croire aux gens qu’ils ont une réaction anormale, pathologique, qu’ils devraient se faire soigner, alors qu’ils se comportent exactement comme ceux qui appliquent cette méthode l’attendent, c’est la définition même de la perversion.
Actuellement, c’est toute la société qui a été mise dans cet état là par les méthodes de management et de communication modernes. Contractée de la tête aux pieds. Hier, je disais que nous devions choisir de quelle façon cette société doit mourir, en douceur, en lui faisant boire la cigüe, ou en lui sortant les tripes à mains nues, par la violence, comme on en a la déplorable habitude. Tout en étant conscient que les société, ça ne meurt pas, ça ne peut as mourir. Mais en revanche, ça peut tomber.
Une civilisation, ça chute. Et si ça chute, vaut mieux pas que son corps soit contracté, c’est comme ça qu’on se blesse et qu’on ne se relève pas. Au judo, c’est la première chose qu’on apprend. Tomber sans se faire mal. Il n’y a pas de raison qu’une société ne puisse pas faire ce qu’un individu est capable de faire, ils se comportent exactement de la même manière.
Et ce n’est pas compliqué de la détendre, de la mettre au yoga. Il n’est pas question de la faire se plier dans tous les sens pour l’instant, elle en est incapable dans l’état où elle est. Il faut d’abord qu’elle commence par se détendre. Et pour cela, il suffit d’arrêter d’employer les méthodes qui produisent l’effet inverse. Résultat garanti.
Pour ceux qui me diraient que Narendra Modi, l’inquiétant premier ministre nationaliste indien a fait du yoga une arme de propagande massive tournée contre sa population musulmane, j’en suis parfaitement conscient. Lui, ce n’est pas par la rigidité qu’il compte briser le corps social comme du verre, mais par la souplesse, en le faisant plier jusqu’à lui rompre l’échine. Culture différente, perversion différente, mais toujours perversion.