La facilité avec laquelle j’ai trouvé la direction que je pourrais prendre après avoir effectué mon saut créatif de la serviette, du tissus de l’espace-temps qui pourrait avoir deux faces aux propriétés différentes comme les serviettes, est assez déconcertante. Je ne me suis rendu compte que j’avais besoin de savoir où j’irai après qu’une fois que je m’étais déjà lancé, trop tard pour renoncer. Je pensais donc que j’allais me fracasser au sol à l’atterrissage.
Je ne sais pas bien sauter, je n’aime pas ça. Je ne sais pas où regarder, j’ai beau avoir les yeux ouverts, je suis comme aveugle quand je saute. Mon saut créatif m’a mis dans la même situation, mais contrairement à ce qui se passe quand je saute avec mon corps, j’ai pu différer mon atterrissage, le remettre au lendemain au lieu qu’il n’arrive dans la foulée. J’ai arrêté le temps.
Sans savoir pour combien de temps. Je pensais qu’il me faudrait peut être longtemps pour trouver où mon regard devait se porter. Mais il a suffi que je sois un peu attentif à mon environnement pour que le point de repère dont j’avais besoin me saute aux yeux. Dans la matinée, un like donné à un ancien article qui portait sur la civilisation française qui est bâtie sur sa langue depuis la première guerre mondiale quand les soldats de toutes les régions ont dû l’utiliser pour pouvoir communiquer, et le soir Xavier Mauduit qui parle des règles d’orthographe et de grammaire qui n’ont été fixées qu’assez récemment et qui n’avaient pas autant d’importance auparavant.
Mon saut créatif se situe dans le domaine des maths, je pouvais donc me tromper et repartir sur la langue pour éviter un arrêt brutal facteur de blessure, de risque de fracture du squelette mental. Si je ne sais pas faire des maths, il me reste la langue. Sûr de ne pas me faire mal, j’ai donc pu parler de la structure du tissus de l’espace-temps qui pourrait avoir deux faces aux propriétés différentes dès le lendemain.
Mais ça ne me disait toujours pas si ce sont de bonnes maths ou si c’est n’importe quoi. Je ne sais pas si je sais faire des maths ou pas. Il faudrait que quelqu’un me dise si ce que je raconte à propos de l’espace-temps en sont ou pas. Ce problème là restait, sans que je n’ai aucun moyen pour le résoudre autre que les bouteilles à la mer que j’ai lancé en direction des lauréats du prix Nobel de physique ou de la médaille Fields.
Mais après avoir publié l’article, je suis allé acheter du lait au supermarché. Et j’ai trouvé de l’eau. J’utilise l’eau d’une certaine source qui contient très peu de minéraux pour faire le café. Mais je n’en trouvais plus depuis des semaines, il n’y avait plus que d’autres sources sous la marque qui la distribue. Et là, miracle, la source que je voulais.
Là aussi, il n’y en avait pas beaucoup, j’ai pris tout ce qu’il y avait. 4 packs et 5 bouteilles. J’arrive donc à la caisse où je donne une bouteille en disant à la caissière qu’il y en a 5, puis je lui tend l’étiquette détachable des packs en lui disant qu’il y en a 4. Et je sors un billet de 20 euros en pensant que ça devrait le faire avec mes deux bouteilles de lait en plus.
Mais elle m’annonce 33 euros et des brouettes. Je suis un peu étonné, mais comme elle n’a pas l’air d’être choquée par la somme, j’échange le billet de 20 que je lui avais déjà donné contre un de 50. Comme je doute de mes compétences en maths, ça ne m’a pas plus dérangé que ça de m’être trompé. Ce n’est qu’une fois arrivé chez moi que j’ai cherché à comprendre où je m’étais planté, pourquoi j’avais autant sous estimé le montant de la facture.
Et c’est là que j’ai vu sur le ticket de caisse, qu’il faut à présent demander pour qu’on vous le donne, qu’elle m’avait facturé 20 packs. Et c’est là que j’ai compris qu’au lieu de faire 5 fois une bouteille et 4 fois un pack, elle avait fait 5 fois 4 packs. J’y suis donc retourné et je lui ai expliqué son erreur. Elle s’est confondue en excuse et a commencé à calculer le montant que j’aurais dû payer, 6,67 euros.
Elle me donne cette somme. Ça me paraît peu, 33 moins 7, c’est toujours plus que les 20 euros qui auraient dû suffire d’après moi. Mais je suis nul en maths et je ne voulais pas faire attendre encore plus les autres clients le temps de comprendre le problème, ce qui peut être long. Je suis donc parti en la remerciant. Mais je n’avais pas fait 100 mètres en voiture que j’ai compris, qu’elle m’avait remboursé la somme que j’aurais dû payer au lieu de la différence avec celle qu’elle m’avait facturée.
J’ai fait demi tour avec mon explication qu’elle a immédiatement trouvée évidente. Elle m’a encore fait plus d’excuses que j’ai accepté de bon cœur en lui disant que ce n’était pas de sa faute, mais de celles des maths qui sont très chiantes et que je n’avais pas fait beaucoup mieux qu’elle.
Et c’est grâce à ça que j’ai compris que je ne suis pas nul en maths, mais en calcul. Je sais faire les maths, reconnaître la formule mathématique qui s’applique, mais je rame comme un galérien dès qu’il s’agit d’effectuer le calcul dont le résultat n’a pas vraiment d’intérêt pour moi une fois que j’ai capté le principe.
Du coup, je suis moins pessimiste. Peut être que mon histoire d’espace-temps tissé comme une serviette qui a deux côtés aux propriétés différentes correspond vraiment à des maths. Et je n’ai pas eu besoin de l’avis d’un prix Nobel pour me convaincre que je ne suis pas si nul que ça en maths, celui d’une caissière de supermarché qui a commis des erreurs que j’ai su expliquer est tout aussi probant.