Quand il cherchait la théorie de la relativité, Einstein imaginait ce qu’il verrait s’il voyageait à la vitesse de la lumière sur un photon. Moi, j’essaye d’imaginer à quoi ressemblerait le ciel si je me promenais sur un ruban de Möbius. Je me prends pour Einstein, je pars en vrille, j’y suis.
La vrille est ce qui différencie un ruban de Möbius d’un simple anneau. Un ruban de Möbius c’est la même chose qu’un anneau, mais avec un vrille en plus. C’est facile de s’imaginer sur un anneau. Sur sa face extérieure, c’est le monde tel que nous le connaissons sur Terre. Quand on regarde le ciel on a la lune, le soleil derrière et les étoiles et les galaxies en arrière plan, c’est normal.
C’est plus compliqué de s’imaginer sur la face interne. La lune, le soleil et les étoiles restent au-dessus de nos têtes, mais ils se retrouvent au centre, dans un truc qui ressemble à un trou noir. Les étoiles et les galaxies ne seraient plus visibles, elles se retrouveraient au centre du soleil. L’exercice n’est pas simple, mais il n’est pas impossible quand on est habitué à jouer avec la science et ses lois.
Avec un anneau, c’est fixe. On a soit le soleil avec les étoiles et les galaxies en toile de fond lorsqu’on se trouve sur la face externe, soit les étoiles et les galaxies au centre du soleil quand ont est sur sa face interne. Mais avec un ruban de Möbius, ça bouge. Il y a la vrille. Quand on la passe, on doit voir les étoiles et les galaxies entrer ou sortir du soleil puisqu’elle nous fait changer d’orientation.
Il y a de quoi rendre fou quand on essaye d’imaginer ça. C’est plus simple avec Einstein. Se prendre pour Einstein, c’est le faire changer de face. Au lieu qu’il soit à l’extérieur, on le fait passer à l’intérieur. Einstein se retrouve en moi au lieu d’être à sa place de soleil à qui je dois tout.
Einstein est le maître incontestable, je ne n’imagine pas une seconde pouvoir l’égaler, encore moins le dépasser. Mais si je veux vaguement lui ressembler, il faut bien que je fasse comme lui. Elle est là, la vrille. Pour espérer arriver à des résultats qui ressemblent aux siens, il faut faire comme lui, l’imiter, le faire passer à l’intérieur, se prendre pour lui.
Imiter, je sais faire. Je ne prétends pas non plus être le meilleur, mais je sais faire. J’imite les accents étrangers depuis que je suis tout petit. Et comme je l’ai déjà dit, je le fais parce que ça me permet de prendre des vacances de moi-même. Je suis quelqu’un de différent selon l’accent que j’imite, chacun entraîne un mode de pensée caractéristique.
Mais si je veux imiter Einstein, ce n’est pas pour faire la même chose que lui, il l’a déjà fait. Il s’est imaginé comment l’espace se déformerait s’il voyageait sur un photon. Moi, je fais l’inverse. Je me demande sur quoi je voyage à partir des déformations que j’observe.
Elles me semblent correspondre à celles qui se produiraient si je me promenais sur un ruban de Möbius avec sa vrille qui fait passer l’intérieur à l’extérieur et vive versa. J’imagine que je dois voyager là-dessus quand j’imite Einstein.