La guerre civile de César et Pompée

Après avoir fait plusieurs propositions, toutes rejetées par le Sénat, en ce qui concerne la réduction du nombre de ses légions et des provinces qu’il gouverne, en vue d’obtenir une prolongation d’un an de son proconsulat et l’autorisation de se présenter à l’élection consulaire de fin d’année in abstentia, afin de conserver son immunité, Jules César a épuisé tous les recours légaux et refuse toujours obstinément de revenir à Rome en simple particulier pour éviter le procès que Caton veut lui intenter. Par conséquent, Pompé et ses alliés optimates l’ont fait déclarer ennemi public malgré la tentative de faire valoir leur droit de véto de ses amis tribuns de la plèbe, Curion et Marc Antoine, qui ont été expulsés du Sénat. César se saisit alors de ce prétexte de non respect de la voix du peuple par les institutions pour pénétrer en armes sur le territoire de Rome en franchissant le Rubicon en janvier 49 av JC, avec l’excuse de n’avoir pas eu d’autre choix en raison de l’acharnement des conservateurs à lui barrer la route.

Une fois sa décision prise, César et la XIII ème légion avancent vite. Plusieurs villes sont prises sans opposer de résistance, avec l’approbation des populations et des notables qui fournissent sans états d’âme les soldats qui auraient dû combattre celui que le Sénat considère comme ennemi public. Pendant ce temps, les légions stationnées en Gaule arrivent elles aussi. L’Etrurie, l’Ombrie et le Picénum sont rapidement sous son contrôle. A Rome, Pompée panique car il pensait que les vétérans de la guerre des Gaules refuseraient de suivre le chef que ses lieutenants lui avaient dit haïr. Il quitte la ville pour rejoindre ses deux légions stationnées à Luceria en Apulie, aussitôt suivi de la plupart des sénateurs qui ne s’estiment en sécurité qu’en deçà de Capoue.

Publius Cornélius Lentulus Spinther et Lucius Domitius Ahénobarbus sont les premiers à tenter de résister. Ils se retranchent dans Corfinium et demandent à Pompée de leur envoyer des renforts au plus vite. Ce dernier leur fait savoir qu’il n’interviendra pas. A cette nouvelle, Domitius Ahénobarbus tente de prendre la fuite, mais il en est empêché par ses hommes au moment même où la population commençait à se soulever contre lui. Corfinium se rend quatre jours plus tard. Conscient qu’il suffirait d’un rien pour que le vent tourne, César tient à démontrer qu’il agit uniquement dans l’intérêt de la République dont les institutions ont été bafouées par une faction qui opprime le peuple. Aussi se montre t-il clément avec Lentulus et Ahénobarbus qu’il laisse libres et va même jusqu’à leur rendre les six millions de sesterces destinées à la solde des troupes avant d’incorporer leurs soldats à ses troupes.

Pompée et les optimates ne voient plus d’autre solution que de prendre la fuite; il se rendent au port de Brundisium d’où, faute de suffisamment de navires, la moitié de l’armée s’embarque pour Dyrrachium, en Grèce. Pompée se trouve encore dans la ville lorsque César arrive, mais la flotte ne met que quelques jours pour revenir et il parvient lui aussi à faire la traversée avec le reste de ses hommes, les travaux entrepris par son ennemi pour fermer le port n’ayant pas été terminés. César, qui ne dispose plus d’aucun bateau, renonce à le poursuivre pour l’instant. Il exige quand même quelques vaisseaux des cités voisines qu’il utilise pour envoyer une légion en Sardaigne et quatre autres en Sicile, avec ordre de passer en Afrique dès qu’elles auront obtenu leur soumission. L’objectif est d’empêcher que Pompée ne puisse réunir de trop grandes forces en Grèce, mais aussi d’assurer l’approvisionnement en blé de l’Italie. Les gouverneurs de ces îles, Cotta et Caton, s’enfuient avant l’arrivée des légions de Valérius et Curion. César se rend quant à lui à Rome où il convoque ce qu’il reste du Sénat. Il tente de le persuader qu’il n’a pas l’intention de procéder à des proscriptions arbitraires comme au temps de Sylla, mais qu’il cherche au contraire à trouver un arrangement avec ses opposants, aussi lui demande t-il d’envoyer une députation en Grèce pour négocier avec Pompée. Sa proposition reste lettre morte.

La tentative de conciliation diplomatique ayant échoué, il ne reste plus d’autre moyen que la guerre. Titus Labiénus, le meilleur général de la guerre des Gaules, choisit d’abandonner son chef pour rejoindre le camp de Pompée. César commence par libérer Aristobule II, ex-roi de Judée détrôné par Pompée et emprisonné à Rome, à qui il confie deux légions et la mission d’aller en Syrie pour empêcher son ennemi de trouver du renfort de ce côté (Aristobule ne pourra pourtant pas la mener à bien car il sera empoisonné par les optimates avant son départ). Il ne se rend néanmoins pas tout de suite en Grèce. Il craint en effet que les légions pompéiennes d’Espagne ne profitent de son absence pour revenir en Italie en passant par les Gaules trans- et cisalpines. Il choisit donc de s’occuper d’elles en priorité début mars 49 av JC. En chemin, il compte solliciter l’appui naval des Marseillais, alliés de longue date de Rome, mais tout aussi redevables à Pompée qu’à lui. La cité phocéenne lui refuse son aide, Domitius Ahénobarbus l’ayant précédé et trouvé les arguments (une partie des 6 millions de sesterces que César lui a rendus?) qui ont su la convaincre de se rester neutre dans le conflit entre les deux hommes d’état romains. Excédé de ce manque de reconnaissance et inquiet de laisser un ennemi dans son dos, César décide de laisser trois légions à Gaïus Trebonius pour faire le siège de la ville, mais aussi de faire construire 12 navires de guerre à Arles pour compléter le dispositif terrestre par un blocus maritime dont il confie le commandement à Decimus Junius Brutus. Ce contretemps ne l’empêche pas d’envoyer Fabius et les trois légions en quartier d’hiver à Narbonne s’emparer du passage dans les Pyrénées, puis, une fois la flotte construite, César reprend lui-même sa route le 3 juin.

Lorsqu’il arrive, Fabius a réussi à passer les cols pyrénéens et à installé son camp non loin de ceux de Lucius Afranius et Marcus Petreius qui disposent en tout de cinq légions. Un autre lieutenant de Pompée, Marcus Terentius Varro est quant à lui stationné dans le sud de la péninsule avec deux autres légions. Hormis quelques escarmouches lors des sorties pour fourrager, aucune bataille n’a eu lieu malgré la rupture d’un pont qui a mis en danger une légion de Fabius avant qu’elle ne soit secourue par les autres. Une fois César sur place, un long combat pour la possession d’une colline s’engage, mais au final, aucune des deux armées n’en tire avantage ni ne subit de grandes pertes. Ce sont encore une fois les intempéries qui viennent perturber l’équilibre entre les belligérants. De violentes inondations emportent deux ponts, ce qui isole les troupes césariennes et les empêche de se ravitailler pendant de nombreux jours avant que les eaux ne se retirent. Les pompéiens voient déjà l’heure de la victoire arriver; ils n’hésitent pas à écrire à Rome que la défaite de César est imminente, ce qui amène Cicéron, resté neutre jusque là, à prendre leur parti. Afranius et Fabius n’ont en effet plus qu’à se poster sur la rive opposée et à accabler de flèches et de traits les troupes qui essaient de reconstruire les ponts pour que la famine se charge d’anéantir l’ennemi. Aussi sont-ils déstabilisés lorsque César parvient à faire traverser la rivière à une partie de ses soldats grâce à des bateaux faits d’osier recouvert de cuir, à la mode gauloise. Ceux-ci, bientôt rejoints par toute une légion, prennent possession d’une hauteur qui leur permet de protéger l’ouvrage qui se trouve alors achevé en deux jours seulement.

Dès qu’il est devenu praticable, la cavalerie césarienne entreprend un raid qui surprend les fourrageurs pompéiens ainsi que deux cohortes d’auxiliaires espagnols, dont l’une est entièrement massacrée. Avec ce revers, la peur de la défaite change de camp, d’autant plus que de nombreuses tribus des environs, farouchement opposées à Pompée car alliées de Sertorius lors de la précédente guerre civile romaine, rejoignent à présent les rangs de César. Par conséquent, Afranius et Petreius décident de se déplacer en Celtibérie où les populations locales sont acquises à leur cause. César fait alors tout ce qu’il peut pour perturber leur marche en harcelant la colonne, puis il réussit à obliger l’armée ennemie à se réfugier sur une colline en barrant une plaine avec ses légions par devant, tandis que la cavalerie se charge de ses arrières. Quatre cohortes d’espagnols sont alors chargées d’occuper une montagne proche dont les chemins offrent une possibilité de sortie, mais elles sont interceptées par la cavalerie qui les anéantit à la vue de tous, sans que les légions pompéiennes n’osent se porter à leur secours. Malgré l’avantage indéniable qu’il a obtenu, César se refuse pourtant à donner l’assaut. Il préfère à son tour empêcher le ravitaillement de l’ennemi et lui couper les routes qui mènent à l’Ebre plutôt que d’engager une bataille entre deux armées formées aux mêmes tactiques de combat en ligne qui s’avèrerait forcément très meurtrier. Il choisit d’installer son camp au plus près de celui d’Afranius et Petreius. Le lendemain, alors que ces deux là sont partis sécuriser l’accès à l’eau, le dialogue s’installe entre les soldats des deux camps. Les pompéiens, reconnaissants d’avoir été épargnés la veille, entament des pourparlers au sujet des conditions de leur reddition. Ils sont interrompus par le retour des deux chefs qui chassent manu militari les soldats de César venus fraterniser jusque dans leurs retranchements. Certains de ceux qui ont été capturés sont égorgés après qu’Afranius et Petreius aient fait prêter à leurs troupes le serment de ne plus négocier à l’avenir, les autres échappent à ce funeste sort grâce à la complicité des simples soldats qui les cachent avant d’organiser leur fuite à la nuit tombée. César, plus soucieux de ménager son avenir politique, se montre quant à lui magnanime. Il renvoie les pompéiens venus discuter dans leur camp, à l’exception de quelques uns qui choisissent de rester avec lui.

Ne pouvant plus aller de l’avant et menacés par la faim, Afranius et Petreius se résolvent à retourner à Lerida où ils ont laissé quelques provisions en partant. César leur emboîte le pas et reprend sa tactique de harcèlement de leurs arrières qui les ralentit considérablement, tant et si bien qu’ils sont obligés d’établir leur camp en plaine, non loin des rives du Sicoris. Les césariens entreprennent de les y enfermer par un fossé et une palissade. Après deux jours, les travaux sont presque terminés. Ils doivent pourtant cesser le troisième, lorsque l’armée pompéienne se range en ordre de bataille devant son camp. César lui fait face avec la sienne; la journée se passe sans qu’aucune des deux ne se décide à lancer l’assaut. Le quatrième jour, Afranius et Petreius tentent de traverser le Sicoris, mais la cavalerie germaine et ses troupes légères les précède et les attendent déjà sur l’autre rive.

Pris au piège dans leur camp, il ne leur reste plus qu’à négocier les termes de leur reddition. Il est convenu que les légions vaincues ne seront pas incorporées à celles du vainqueur, mais qu’elle devront être licenciées, immédiatement pour les soldats demeurant dans la péninsule, une fois qu’elles auront franchi le Var pour les autres. Tandis qu’elles quittent l’Espagne, César part dans le sud, à la rencontre de Marcus Terentius Varro. Ce dernier, lâché par les autorités locales et l’une de ses deux légions, livre celle qu’il lui reste sans condition, ainsi que l’argent qu’il a collecté. La campagne d’Espagne est terminée sans qu’elle n’ait donné lieu à une seule bataille en règle.

César revient à Marseille où le siège dure depuis près de cinq mois; une bonne nouvelle l’y attend: Rome a décidé de confier le pouvoir à un dictateur, et c’est lui que le préteur Lépide a nommé. Pendant son absence, les Marseillais ont échoué par deux fois à briser le blocus naval. La première bataille a eu lieu dès le 27 juin. Elle a opposé 17 navires marseillais aux 12 commandés par Brutus qui, malgré l’inexpérience de ses hommes dans ce type de combat, a réussi à couler 3 galères ennemies et à s’emparer de 6 autres, sans avoir perdu aucune des siennes. La seconde se déroule à peine un mois plus tard, à la faveur de l’arrivée d’une flotte de 17 nouveaux navires envoyés par Pompée pour secourir la ville, dont Lucius Nasidius est le commandant. Ils se joignent aux 17 autres que les Marseillais peuvent aligner, comme ils ont réussi à remplacer les 9 qu’ils avaient perdus. Brutus les rencontre à Tauroentum avec les 18 dont il dispose à présent. L’affrontement tourne une nouvelle fois à l’avantage des césariens qui détruisent ou capturent 10 vaisseaux marseillais et forcent Nasisdius à prendre la fuite. Aussi, lorsque César arrive, les Marseillais ont presque épuisé toutes leurs réserves de nourriture, leurs efforts pour détruire les ouvrages qui minent les remparts se sont avérés vains et ils ont perdu tout espoir de voir des secours arriver de l’extérieur. La ville ne tarde donc pas à se rendre. Ahénobarbus parvient cependant à prendre la fuite par la mer. Mais ce n’est de loin pas la plus mauvaise nouvelle. Après avoir débarqué en Afrique où il a remporté quelques succès, Curion a été battu et tué par les troupes de Sextus Quinctilius Varus allié à celles de Juba Ier de Numidie. D’autre part, Pompée contrôle entièrement le trafic maritime en Adriatique après que la flotte de Gaïus Antonius ait été capturée par Bibulus, ce qui rend un débarquement en Grèce problématique.

En décembre, César est de retour à Rome. En sa qualité de dictateur, il convoque les comices afin qu’elles procèdent aux élections. Il est naturellement élu consul, dix ans après son premier mandat, comme le veut la loi, avec pour collègue Publius Servilius Vatia Isauricus, un fantoche qui lui est totalement dévoué. Il utilise encore les pouvoirs exceptionnels qui lui sont conférés pour relancer le crédit en panne depuis le début de la guerre, en faisant honorer les dettes par la vente des biens des débiteurs au lieu de les annuler comme cela se passait d’ordinaire lors des guerres civiles; et il abroge la lex Pompéia qui avait permis à Pompée d’exclure ses amis de la vie publique pour violation de la brigue et les réhabilite en prenant soin de faire entériner sa décision par le peuple dans le but de dissimuler qu’il gouvernait en fait comme un monarque. Il abdique ensuite sa dictature et rejoint le port Brundisium où il a rassemblé douze légions prêtes à partir pour la Grèce.

Il s’embarque dès le 4 janvier 48 av JC, mais le manque de navires l’oblige à n’emmener avec lui que 15 000 légionnaires et 500 chevaux, soit un peu plus de la moitié des troupes dont il dispose. Cette traversée en plein hiver trompe la vigilance de la flotte pompéienne. César arrive sans encombres à Paleste et renvoie immédiatement ses vaisseaux chercher le reste de ses hommes, mais ils sont tous détruits sur le chemin du retour, Bibulus ayant réagi sitôt qu’il a appris le débarquement de l’ennemi. Aucune autre traversée ne sera possible pendant de longs mois, jusqu’à ce que Bibulus meure de maladie et qu’il laisse le poste de commandant en chef de la flotte pompéienne vacant.

En attendant, César parvient néanmoins à prendre Oricum et Apollonia, deux villes portuaires de l’Epire dont les garnisons ont fui suite au refus de la population de prendre les armes. Il se dirige ensuite vers Dyrrachium (l’actuelle Dürres, en Albanie), mais Pompée, qui arrive de Macédoine, le précède et les deux armées se retrouvent à camper face à face, de part et d’autre de la rivière Apsus. La proximité des deux camps fait que le dialogue s’établit entre les soldats ennemis, comme en Espagne, une entrevue à même lieu entre Publius Vatinius et Titus Labiénus, mais elle est interrompue par des tirs de flèches pompéiennes, et Labiénus, qui a fait le premier le serment de partager le sort de Pompée quel qu’il soit, déclare: « Cessez de parler d’accommodement; car pour nous il ne peut y avoir de paix que quand on nous apportera la tête de César. ».

Rien ne se passe pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce que Marc Antoine réussisse enfin la traversée de l’Adriatique avec 4 légions et 800 cavaliers. Il débarque à Lissus, quelques dizaines de kilomètres au nord de Dyrrachium. Une course de vitesse s’engage entre César et Pompée pour le rejoindre le premier. Pompée, qui a l’avantage de ne pas avoir à franchir l’Apsus, arrive en tête, mais César n’a pas plus d’une journée de retard, aussi n’a-t-il pas l’occasion de livrer bataille à Antoine qui s’est d’ailleurs sagement retranché à l’abri d’un camp fortifié en attendant son chef; il craint à présent de se retrouver pris en sandwich entre les deux armées ennemies et se retire vers Asparagium. César le suit, mais il profite aussi de ces renforts pour envoyer des troupes en Thessalie, en Etolie et en Macédoine de manière à assurer son ravitaillement. Il tente ensuite de provoquer l’affrontement en alignant ses légions devant son camp, mais Pompée refuse la bataille et reste dans le sien. César décide alors de revenir à Dyrrachium par un chemin détourné, avec l’espoir que son adversaire ne s’aperçoive pas de la manœuvre avant qu’il ne se soit emparé des réserves de vivres et du matériel de guerre laissés dans la ville. Pompée n’est cependant pas dupe très longtemps, ses espions l’informent rapidement de la direction prise par l’ennemi, marche aussitôt sur la ville par la voie la plus directe, mais les troupes césariennes lui en coupent déjà l’accès lorsqu’il arrive sans qu’elles n’aient toutefois pu pénétrer dans la cité. Il se retrouve donc obligé de se replier sur une hauteur en bord de mer qui forme une crique où les navires de ravitaillement peuvent venir s’abriter. Ce petit succès de César est contrebalancé par les pertes qu’il a subi. En effet, Pompée le Jeune, fils du Grand, a profité du départ de presque toute la garnison pour attaquer Oricum avec sa flotte. Il a pris le contrôle du port, s’est emparé de quatre galères ennemies et a coulé toutes les autres. Il s’est ensuite dirigé vers Lissus où il a brûlé les trente navires de transport qu’Antoine avait laissé avant d’être repoussé par les défenseurs de la ville. Maintenant, c’est César qui risque de souffrir d’un problème d’approvisionnement, d’autant plus que Pompée a pris soin de piller la plupart des réserves de blé de la région en revenant.

S’ensuit une guerre de position assez comparable aux tranchées de 14-18. César essaie d’enfermer Pompée par une ligne de fortifications, tandis que Pompée tente de s’approprier une surface aussi vaste que possible de manière à obliger César à étaler ses troupes au maximum et à l’empêcher de se consacrer au siège de Dyrrachium. A chaque fois qu’ils essaient de construire un nouveau poste, les césariens sont accablés par les frondeurs et les archers pompéiens au point qu’ils doivent parfois renoncer, mais cela n’en vient jamais au corps à corps. Ce type de combat dure plusieurs semaines, tant et si bien que la disette fait son apparition dans le camp de César, tandis que les pompéiens sont eux confrontés à une pénurie d’eau, l’ennemi ayant détourné ou fait barrage à toutes les rivières dont ils bénéficiaient. Aussi est-ce Pompée qui prend l’initiative de lancer la première grande offensive. Il divise ses forces en deux, prend la tête de celles chargées de l’attaque du camp principal de Dyrrachium et envoie l’autre à l’assaut de plusieurs forts afin d’empêcher un regroupement général. L’opération se solde par un échec qui entraîne de lourdes pertes pour l’assaillant, comme de coutume dans ce genre d’offensive, Pompée frôle même le désastre lorsqu’il est mis en fuite. Il se retrouve dans l’incapacité de rejoindre son camp, est obligé de se retrancher sur une colline et ne dois son salut qu’à l’abandon de la poursuite par P. Sylla qui n’a pas l’audace de s’y engager en l’absence de César.

Ce revers ne dissuade pas Pompée d’attaquer à nouveau quelques temps plus tard. Il concentre cette fois ci ses troupes en un seul point, loin du grand camp de Dyrrachium, à un endroit où les travaux de la ligne de fortification ne sont pas encore achevés, laissant une brèche. La neuvième légion de César se retrouve en grandes difficultés et subit de lourdes pertes. attaquée de deux côtés à la fois, elle est rapidement contrainte d’abandonner le fort qu’elle occupait, dans le plus grand désordre. Les premiers renforts ne suffisent pas à empêcher la débandade; il faut que Marc Antoine arrive sur les lieux de la bataille pour que l’avancée des pompéiens dans les lignes de défense soit enfin stoppée. Suite à cette action, Pompée établit son camp non loin de là, au bord de la mer et en occupe un autre plus petit, laissé à l’abandon. C’est là que César choisit de porter une contre attaque lorsqu’il arrive sur place. Il réussit à en chasser la légion qui venait de s’y installer, mais son aile gauche se retrouve séparée de la droite et de la cavalerie qui se sont égarées en suivant un mauvais rempart, juste au moment ou Pompée fait son apparition avec sa cinquième légion qui a promptement abandonné ses travaux de retranchement. Les césariens prennent la fuite, voyant qu’ils ne sont pas en mesure de se ranger correctement en ordre de bataille. C’est au tour de Pompée de manquer l’occasion d’anéantir les troupes ennemies. Il n’ose en effet pas les poursuivre, de peur de tomber dans un guet apens. Après cette défaite, César décide de quitter Dyrrachium la nuit même, en toute discrétion. Il rejoint Ahénobarbus. Pompée va quant à lui rejoindre Métellus Scipion en Thessalie.

Les deux armées se retrouvent face à face aux alentours de Pharsale le 29 juillet 48 av JC. Les césariens ont retrouvé le moral après la prise de Gomphi et Métropolis, ce qui leur a permis d’obtenir la soumission de presque toute la Thessalie et de résoudre leurs problèmes d’approvisionnement. Mais de l’autre côté, les pompéiens se sentent plus fort que jamais, leurs troupes à pied étant au moins deux fois plus nombreuses que celles de l’ennemi, tandis que le rapport de 4 contre 1 pour la cavalerie leur est encore plus favorable. Sûr que cet avantage lui donnera la victoire, Pompée s’est décidé à livrer bataille. Il range tous les jours son armée en ordre de bataille devant son camp situé sur une colline, mais il n’avance cependant pas assez pour que César aille à sa rencontre, celui-ci ne voulant pas en plus souffrir du désavantage d’avoir à combattre en montée.

Cela change le 9 août. Comme les pompéiens s’éloignent plus que de coutume, César se rapproche lui aussi. Il constate alors que Pompée a concentré toute sa cavalerie face à son aile droite, la gauche étant protégée par les rives abruptes d’un cours d’eau. Conscient que l’issue de la bataille dépendra de sa capacité à empêcher la cavalerie adverse de venir l’envelopper, il décide par conséquent de renforcer sa droite avec 6 ou 8 cohortes, prises au centre et à gauche, qu’il place en quatrième ligne. Une fois parvenu à la bonne distance, il lance ses légions à la charge. Par contre, celles de Pompée ne bougent pas. Aussi les troupes césariennes, composées de beaucoup de vétérans habitués à l’art de la guerre, s’arrêtent-elles à mi-chemin pour ne pas arriver au contact à bout de souffle. Elles repartent une fois réorganisées. Aucune des deux armées ne plie sous le choc; comme prévu, tout se joue sur la droite. Dans un premier temps, la cavalerie de César ne peut que reculer face au nombre, elle est sur le point d’être débordée lorsque les cohortes de soutien interviennent. La situation est alors inversée. La cavalerie de Pompée est mise en déroute et poursuivie par celle de César. Ces cohortes supplémentaires taillent en pièce les archers et les frondeurs ennemis laissés sans défense, puis elles attaquent la légion de Pompée sur le flanc et par derrière, semant la panique dans les rangs. Le sort de la bataille est scellé. La troisième ligne de César entre en action et lui donne la victoire. Il n’a perdu que 1 200 hommes, tandis que Pompée en a perdu 6 000. Le reste des soldats a fui vers le camp, mais les césariens les poursuivent et s’en emparent; une bonne partie des survivants se réfugient alors sur une autre colline qui risque bientôt d’être encerclée, puis sur un pan de montagne que César s’emploie à isoler de la rivière, forçant l’ennemi à capituler.

Les 24 000 prisonniers sont traités avec clémence. Parmi leurs chefs, Cicéron et Brutus se rendent à César et obtiennent son pardon, mais Caton, Métellus Scipion, Titus Labiénus, Pompée le jeune et son frère Sextus lui échappent et se dirigent vers la province d’Afrique pour continuer la lutte. Alors que les légions sont ici défaites, la flotte pompéienne remporte d’ailleurs deux victoires à peu près au même moment. La première est obtenue par Lélius qui occupe une petite île à l’entrée du port de Brindisium, bloquant son accès, et la seconde est à mettre au crédit de Caïus Cassius Longinus qui détruit les 35 navires de Pomponius à Messine, avant d’en incendier 5 de plus à Vibo, puis de se retirer.

César décide de s’occuper en priorité de Pompée le Grand qui a lui aussi pris la fuite. Il s’est embarqué pour Amphipolis, en Macédoine, où il essaie de lever des troupes, mais il s’en va lorsqu’il apprend l’arrivée imminente des césariens. Le mauvais temps le contraint de faire escale à Mytilène, puis il met le cap vers la Cilicie et de là il rejoint Chypre, avec l’intention de se rendre en Syrie qu’il pense acquise à sa cause. Mais il déchante quand il est informé qu’Antioche refuse de l’accueillir. Lucius et Publius Lentulus n’ont quant à eux pas trouvé asile à Rhodes. Pompée choisit donc de se rabattre sur l’Egypte où il a naguère aidé Ptolémée XII à retrouver son trône. Arrivé sur la plage de Péluse, il envoie des députés demander l’hospitalité à Ptolémée XIII, encore mineur et sous influence de ses conseillers, Pothin, Achillas et Théodote de Chios, qui se trouve dans la région pour mener la guerre contre sa sœur et épouse, Cléopâtre VII, revenue de Syrie après avoir été chassée du pouvoir qu’elle exerçait conjointement avec son frère, conformément aux vœux de son défunt père Ptolémée XII. La réponse lui est apportée par Achillas et Lucius Septimius, un soldat romain qui a servi sous ses ordres en Syrie avant d’être assigné à la protection de pharaon. Ils invitent Pompée à se rendre auprès du roi, mais Septimius l’assassine aussitôt qu’il est monté dans leur chaloupe. Il est ensuite décapité et le reste de son corps est laissé à pourrir sur la plage. La décision d’éliminer l’ennemi intime de César pour entrer dans ses bonnes grâces est assez incompréhensible venant de la part de grecs qui ne peuvent ignorer le peu de gratitude dont Alexandre le Grand a fait preuve envers les assassins de Darios III, alors même que Pompée a reçu son cognomen en hommage à l’illustre général (douze siècles plus tard, dans une toute autre culture, Gengis Khan, conquérant du plus grand empire que la Terre ait jamais portée, réagira lui aussi très mal quand des petits malins lui livreront son rival Djamuqa avec l’espoir d’obtenir ses faveurs.).

César débarque à Alexandrie quelques jours plus tard. Il est choqué du traitement barbare infligé à son ennemi lorsqu’on lui présente sa tête en guise de cadeau de bienvenue et ordonne qu’il bénéficie de funérailles décentes. Cet outrage l’incite à prendre fait et cause pour Cléopâtre qui n’hésite pas à user de ses charmes pour s’assurer de la protection du Romain…