L’anarchie est dans nos gènes

Avec le séquençage du génome humain, la génétique nous a ouvert de nouvelles perspectives en matière d’organisation. Et comme souvent en science, nous les avons découvertes à cause d’un résultat inattendu.

La complexité du corps humain et la longueur de la molécule d’ADN nous laissait penser que de très nombreux gènes étaient impliqués dans sa construction et son fonctionnement. Nous concevions alors le programme génétique comme un programme informatique où la réponse à tous les cas de figure possibles doivent être prévus à l’avance. Des centaines de milliers, des millions de gènes actifs auraient été nécessaires à un tel fonctionnement.

Mais le résultat a été surprenant. Seuls 30 000 gènes servent réellement. Un chiffre ridiculement bas qui démontre que nous n’avions rien compris à la programmation biologique. Elle ne tient pas sa puissance d’adaptation du nombre d’informations que sa longueur laissait supposer, mais de son expression. C’est à dire que nous avons découvert qu’un gène ne sert pas à remplir une fonction unique, mais plusieurs qui varient à la fois en fonction du stade de développement de l’organisme, mais aussi de la pression exercée par l’environnement.

Nous pensions qu’il suffirait de lire la mémoire du vivant stockée dans l’ADN pour comprendre son fonctionnement et nous nous sommes aperçu que le grand livre de la vie n’avait la plupart du temps aucun sens, que seul quelques passages forment des mots. Le reste est une longue suite de lettres aléatoires qui ne veulent rien dire, mais qui doivent quand même servir à quelque chose même si on ne sait pas encore à quoi.

Le support de l’information génétique est beaucoup plus désordonné qu’on ne le pensait, l’ordre qu’on attendait n’est que local. C’est à la fois décourageant parce qu’au lieu d’éclaircir le mystère du fonctionnement du vivant comme on l’espérait, ça l’épaissit, mais c’est aussi très stimulant, comme on apprend que l’extraordinaire capacité d’adaptation au réel, à lutter contre l’entropie qui voudrait que le système aille vers toujours plus de désordre, n’a besoin que de quelques lois fondamentales pour fonctionner au poil.

Pour cela, il doit être modelé par autre chose, utiliser un niveau d’information sous-jacent qui pourrait bien être directement relié au comportement de la matière inerte. C’est ce que j’ai appelé le vent de la réalité. Dans le cas de l’ADN, un gène codant serait une dune sculptée par le vent du désert, une vague sur l’océan, séparée des autres par une étendue presque plane de junk DNA, d’ADN non codant qui pourrait bien être la clef du mystère.

Des scientifiques qui s’emmerdaient ont un jour fait une expérience intéressante. Ils ont mis une goutte d’eau sur une membrane de haut parleur pour la faire vibrer avec des sons et la filmer avec une caméra à grande vitesse. Ils ont obtenu des images troublantes. Beaucoup d’entre elles font irrésistiblement penser aux formes familières que prennent les organismes vivants alors que ce n’est que de l’eau et rien d’autre que de l’eau sculptée par des ondes acoustiques tout ce qu’il y a de plus inertes.

Dès lors, le programme sous-jacent dont je parle pourrait bien être celui-là, la réaction de la matière à la vibration du vent de la réalité, ici, le son. L’ADN non codant pourrait peut être bien servir à reproduire ces vibrations qui en se propageant viennent interagir au niveau des gènes codants, des gouttes d’eau, modulant leur expression, la forme de la goutte, en fonction des interférences.

La forme de la protéine produite dépendrait alors directement de la forme de l’onde qui l’articulerait différemment en fonction des circonstances vibratoires. La forme tri-dimensionnelle de l’ADN au moment de la lecture serait tout simplement différentes en fonction de la propagation de la vibration du réel tout au long de la molécule. Cela expliquerait assez simplement comment un gène pourrait comme cela remplir plusieurs fonctions, prendre plusieurs formes selon les circonstances.

Si on applique maintenant ce principe aux lois qui régissent la société, on s’aperçoit qu’elles pourraient être beaucoup plus simples elles aussi si on s’inspirait de ce fabuleux mécanisme. Il suffirait qu’elle fasse vibrer les individus de manière à ce que la forme de société désirée émerge de leurs interactions imprévisibles au lieu de vouloir les faire interagir suivant des règles strictes.

Absence de règles strictes et prépondérance de l’individu, du junk citizen, du citoyen non codant, sont les règles de base de l’anarchie. Contrairement à ce qu’on pense, c’est elle qui pourrait bien être le meilleur moyen de faire régner l’ordre et de le perpétuer. Mais pour cela, elle doit être étudiée, devenir une science, et donc pouvoir être expérimentée. Un généreux mécène pour me financer ?