Des barrières culturelles

Il y a un ou deux ans, j’ai vu un sujet du JT qui parlait des japonais et de leur relation avec les robots. Les deux sujets m’intéressent et j’ai été consterné. Pour une fois pas par le niveau déplorable des journalistes dans les matières qu’ils sont censés nous expliquer, mais par leur inculture profonde en matière de cultures étrangères, japonaise en l’occurrence.

Il faut quand même que je vous parle du niveau en robotique. Je pense en particulier à Audrey Pulvar. Une personne très respectable dont l’intelligence n’est pas à remettre en doute, mais qui m’a pourtant atterré par une de ces remarques sur un robot. Un sujet présente un robot de Boston Dynamics. Une machine quadrupède conçue soi-disant pour aider le soldat à trimballer son équipement, mais qu’on imagine tout de suite en drone tueur terrestre quand on connaît un peu les militaires et la transparence légendaire de leurs intentions réelles.

Mais voilà, la machine à une allure animale, un chien de l’avis général, tout animal de la même taille aurait convenu, mais on prend le plus familier. Il existe aussi en version « Boeuf », pas assez léger pour être « Cheval ». On voit donc ce « chien » à l’image, et un ingénieur qui lui met un gros coup de latte dans les « côtes ». Et au lieu de se vautrer comme une merde, comme tout robot normalement constitué, le robot trébuche et rétablit son équilibre en trois coups de cuiller à pot. De quoi donner un orgasme inoubliable à n’importe quel roboticien qui a galéré pour faire avancer son satané morceau de métal sans qu’il ne se casse la gueule après deux pas comme les jouets que nous avons connu. Un argument de vente décisif pour une armée.

Retour en plateau, et Madame Pulvar que j’adule depuis qu’elle a dit en face à Nicolas Sarkozy qu’il faisait le choix de la pauvreté pendant une campagne présidentielle dit : « C’est pas parce que c’est un robot qu’il faut le maltraiter ! ».

Merde Audrey ! Difficile de mettre plus à côté de la plaque. On te montre un robot tueur, un pitbull qui ne demande qu’à être dressé à mordre par les militaires et tu me dis qu’il faudrait le caresser. Mais y va nous bouffer Audrey, il va mordre les manifestants, poursuivre les réfugiés, assassiner à distance, ce n’est pas un coup de pied qu’il faudrait lui mettre, mais un coup de masse, dénoncer tout de suite cette utilisation inacceptable de la technologie. Bref, ta culture écolo à occulté la culture militaire qui était alors le sujet. Une arme redoutable et à redouter présentée comme un sympathique canidé. Voilà pour la première barrière culturelle.

La seconde, les japonais. Dans mon fameux sujet du JT, il était dit que les nippons avaient développé des sentiments pour les robots, qu’ils les « aimaient ». Plus con comme traduction, c’est là aussi difficile à imaginer. Y sont débiles les bridés, c’est à peu près tout ce qu’on retient de cette merde de sujet, du racisme pur jus, tranquilos au JT.

La culture japonaise est bien plus subtile, très difficile à aborder pour nous occidentaux, comme toutes les cultures d’extrême orient qui n’écrivent pas avec un alphabet, mais que les robots permet justement d’aborder de manière compréhensible. Ils ont un concept inconnu dans notre culture, celle de sensation de présence de l’autre. C’est ce dont je parle dans Au commencement était la tache, quand je dis que l’empreinte de sa main laissé par l’enfant évoque tout la vie de l’enfant, provoque la sensation de présence de l’autre, à ceux qui l’ont connu un fois qu’il a disparu. Pour les japonais, c’est un concept très familier, difficile à cerner pour nous car nous n’avons tout simplement pas de mot qui vient encadrer clairement cette notion que nous connaissons aussi pourtant.

J’ai appris à conduire une voiture à 16 ans. 30 ans plus tard, je peux dire qu’à présent je l’utilise instinctivement, comme j’utilise mon corps pour marcher ou faire du ski. La voiture est donc devenue une extension de mon corps, pour mon cerveau il se prolonge jusqu’au pneus que je sens par les fesses, comme tout un chacun. Pour mon cerveau, la voiture est devenus comme vivante, aussi vivante que ma main ou mes fesses, pas vraiment, c’est un outil inerte sans humain, mais l’ensemble humain/voiture est vivant, animé, doté d’une âme, la notre. La voiture devient donc vivante par extension. Quand nous la conduisons, elle nous donne le sensation du vivant, c’est bien pour ça, que comme pour un animal familier, certains leur donnent un prénom, à leur tas de ferraille polluant. Par contre baptiser un bateau comme si c’était un enfant nous paraît tout à fait normal. Je pense qu’un japonais, ça le ferait bien rigoler.

Ami journaliste qui me parle des barrières culturelles, assure toi bien de les avoir franchies avant d’ouvrir ta gueule. Des sujets minables de ce genre ne font rien pour les effacer, elle les dresse au contraire. Comme nos sympathiques militaires dressent des pitbulls robots à l’attaque en nous faisant croire que ce sont des chiens d’aveugle. Regardez toujours à qui vous donnez la patte, ce n’est pas forcément votre ami, c’est plus sûrement votre maître.