Pendant l’entre deux tours de cette élection présidentielle, nous avons beaucoup entendu dire que le choix entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron n’était pas celui entre la peste et le choléra. Je suis tout à fait d’accord avec ce diagnostic, mais ce n’est pas pour autant que la maladie inoculée par le nouveau président doit être considérée comme bénigne alors que, de par sa nouveauté, nous n’avons aucune idée de son mode d’action et de son éventuelle nocivité.
En effet, peste et choléra sont des maladies bien connues maintenant. Elles sont de même nature, toutes deux provoquées par des infections bactériennes, qui, soit dit en passant ne sont plus mortelles depuis la découverte des antibiotiques. Si le Front National peut leur être comparé avec sa volonté affichée de détruire notre organisme, en particulier notre appartenance à l’Union européenne, il n’en est pas de même avec la République En Marche qui prétend au contraire s’y intégrer parfaitement. Ce dernier comportement s’apparenterait plutôt à celui d’un virus dont le mode d’action est totalement différent de celui d’une bactérie. Il n’est pas question pour moi de dire que le parti de M Macron serait alors obligatoirement plus dangereux que celui de Mme Le Pen, il y a nombre de virus qui ne provoquent qu’une gêne temporaire qui ne porte pas à conséquence, voire capables d’insérer des gènes nouveaux très utiles à notre survie dans notre ADN, mais il y en a aussi de très insidieux qui savent avancer masqués jusqu’à ce que leur vraie nature se révèle, comme, par exemple, celui du SIDA. Il conviendrait donc de s’en méfier un minimum avant qu’il n’affecte le fonctionnement de notre corps dans son ensemble.
Le choix du SIDA comme exemple, n’est pas vraiment un hasard. Tout d’abord il s’attrape en prenant du plaisir. Soit sexuel, il me paraît assez évident que les supporters sont plus amoureux du personnage Macron qu’ils ne sont convaincus intellectuellement par ses idées, ou par injection de drogue avec une seringue contaminée, ce qui concerne ceux qui ont voté pour lui guidés par le doux sentiment de sauver la République de la destruction par l’extrême droite. Bon, nous sommes d’accord pour dire que cette comparaison n’a rien de très convaincant, mais elle me paraît plus pertinente lorsqu’on s’attache à observer quelles sont ses cibles. En l’occurrence le système immunitaire, soit les contre pouvoirs sensés protéger la démocratie de la dérive vers un pouvoir absolu.
Commençons par celui qu’on appelle quatrième pouvoir, les médias. En filant la métaphore, leur rôle dans l’organisme démocratique consiste à marquer les nuisibles pour qu’ils soient identifiés comme tel pour être pris en charge et éliminés par les cellules prévues à cet effet. Ils ne semblent pas ou très peu avoir identifié En Marche comme potentiellement dangereux. Deux éléments auraient pourtant, à mon avis, dû donner matière à sonner l’alarme.
Le premier, l’intention qu’aurait eu ce parti de faire signer un engagement à ceux qui se présenteraient sous sa bannière aux élections législatives de voter toutes les propositions faites par le gouvernement quelles que soient les réserves que ces représentants pourraient éventuellement émettre. Ce procédé est pourtant absolument anti-démocratique. Les médias en ont cependant très peu, voire pas du tout parlé. Et ceux qui ont évoqué le sujet l’ont très vite évacué en disant que le conseil constitutionnel déclarerait immédiatement ce document invalide car inconstitutionnel. On ne peut pas douter que cela aurait été le cas, mais un autre parti quel qu’il soit aurait-il affiché son intention de violer la constitution de manière aussi flagrante avant même le premier tour qu’il se serait à coup sûr attiré les foudres de toute la classe médiatique. Nous aurions certainement mérité d’être plus amplement informés à ce sujet, mais c’est là une des caractéristiques de ce virus, il sait se faire très discret.
Le second, le désir de faire adopter au plus vite la réforme du code du travail par ordonnances. Le cas est un peu différent, car les médias en ont en effet un peu parlé, mais après le second tour seulement, alors que cela s’est su dans les quinze jours de l’entre deux tours. La raison pour laquelle cette information n’a pas été mise en exergue au moment où elle a été apprise est assez évidente. Elle aurait pu dissuader certaines personnes de se rendre aux urnes car déjà réticentes à la politique de M Macron et donc favorisé le Front National qui, au pire aurait risqué d’être élu, et au mieux aurait fait un score plus élevé et affaibli la légitimité du nouveau président. Ce retard a permis au virus de s’implanter fermement dans notre ADN.
J’en viens naturellement aux syndicats, autre élément de notre système immunitaire. Celui-là aussi pourrait être détruit. Avec son intention d’utiliser les ordonnances, même la CFDT, pourtant qualifiée de réformiste, c’est à dire convertie au libéralisme, a annoncé qu’elle devrait en ce cas appeler ses militants à descendre dans la rue pour protester contre ces méthodes expéditives. Mais qu’à cela ne tienne, M Macron estime de toute façon que les syndicats ne sont pas représentatifs des salariés, il est vrai très peu syndiqués dans notre pays. Il préfère à cela les accords d’entreprise, le rapport direct entre un patron et ses salariés, plus démocratique selon lui, alors que le rapport de force entre l’entrepreneur (utilisons la langue nouvelle) qui donne le choix entre une dégradation des conditions de travail ou la fermeture et la mise à la porte de tout le monde est bien évidemment complètement déséquilibré. Un des représentants d’En Marche disait d’ailleurs aux ouvriers de Whirlpool qui luttent pour le maintien de leur usine qu’ils ne devraient pas s’engager dans un mouvement trop radical, car ceux qui l’ont fait chez Goodyear, qualifiés d’enragés, n’ont pas retrouvé d’emploi par la suite comme leur engagement effrayait leurs potentiels employeurs. Le message est clair : surtout ne vous défendez pas trop ou vous serez détruits.
Alors certes, le gouvernement engagera des discussions de façade avec les syndicats avant de faire passer sa réforme du travail, mais bien vite il arguera de l’urgence, qu’elles prennent trop de temps et en rejettera la faute sur les partenaires sociaux. L’argument pour justifier le recours aux ordonnances n’est-il pas que « deux ans pour faire adopter une loi, ce n’est pas la démocratie ». Fort de ses 66%, M Macron décrétera qu’il a été élu par les Français avant tout pour faire passer cette réforme et aura certainement à cœur de montrer qu’il ne cède pas à la pression de la rue, comme en son temps Mme Thatcher. Ou alors blâmera t-il son premier ministre d’avoir mal expliqué les bienfaits de sa réforme avant de revenir à la charge.
Reste maintenant les partis politiques. Bon, le cas du Parti Socialiste est quasiment réglé. Nombre de ses représentants se sont déjà présentés sous la bannière de la République En Marche, quant à ceux qui, comme Manuel Valls, ne se voient pas présenter contre eux de candidats issus de ce nouveau parti, seront rapidement marginalisés au sein de ce qui reste du PS, et n’auront d’autre choix que de le rallier en ayant perdu toute crédibilité ou de créer un nouveau parti totalement insignifiant inféodé à la REM, comme l’est le MODEM.
Pour ce qui est de la droite, la nomination de M Edouard Philippe au poste de premier ministre est bien entendu une tentative de scinder au moins en deux Les Républicains. Avec d’un côté ceux qui sont tentés par un rapprochement avec le Front National, et de l’autre, ceux qui penchent pour une entente avec le nouveau pouvoir en place. Ces derniers se retrouveront bien vite dans une situation intenable, sommés de marquer une différence claire et nette avec les premiers, soit par le ralliement pur et simple, ou la création d’un nouveau mouvement faiblard, comme pour le PS. Une fois ce processus achevé, il ne restera plus qu’un seul parti de gouvernement crédible, la République En Marche.
Avec une partie du PS et une autre de LR repoussées aux extrêmes s’ouvrira alors une autoroute pour les prochaine présidentielles pour REM qui pourra s’afficher comme le seul rempart contre le chaos extrémiste. Je leur suggère de se rebaptiser les Raisonnables à cette occasion, pour bien enfoncer le clou. La recomposition du paysage politique voulue par M Macron ressemble comme deux gouttes d’eau à la création d’un parti unique, comme en Chine, le paradis dont rêvent tous les capitalistes depuis des années.
Bon, pour revenir à plus de pondération, peut être que je me trompe, que je fais une allergie violente à ce libéralisme à tout crin qui engendre selon moi la pauvreté et l’accroissement des inégalités alors que je suis fier de ce que la France soit un des pays où elles sont les moins grandes, mais dans le doute, je préfère toutefois me protéger de ce virus intellectuel qui s’en prend à nos défenses immunitaires. Car une fois celles-ci détruites, le corps de la Nation pourrait se retrouver en grand danger face à la maladie la plus insignifiante en temps ordinaire, alors je ne vous dit pas si ça devait être la peste ou le choléra.
Une réponse est un lieu dont nous connaissons le chemin d’accès. Mais on a beau connaître chaque virage, chaque croisement, chaque arbre au bord de la route, on ne peut pas pour autant la situer sur la carte.
Voilà pourquoi je ne réponds jamais directement aux questions qu’on me pose. Je préfère donner les coordonnées de ce point, comme un GPS le ferait. Comme lui, je trace des cercles, il en faut au moins trois. « Ta réponse se trouve dans ce cercle, ce cercle et ce cercle. Là d’après les données de la question que tu m’a posée. Rends toi à leur intersection et tu auras trouvé ta réponse ».
Ta réponse, pas la mienne. Ton chemin, pas le mien. Je te prends par la main, mais c’est toi qui me guide dans ce no man’s land qu’est la vie. Viens je t’emmène au pays des merveilles, celui où tous les rêves sont une solution à une équation.